En immersion avec Laurent Mercier, gérant des écuries de Sobidain à Nort-sur-Erdre

Laurent Mercier, passionné par les chevaux et la pêche, a toujours rêvé de créer son écurie. En 2001, à seulement 29 ans, bac pro comptable en poche, le nantais d’origine ouvre les Écuries de Sobidain à Nort-sur-Erdre. D’élevage, la structure devient écurie de propriétaires pour accueillir aujourd’hui une soixantaine de chevaux sur 35 hectares. Immersion dans les écuries le temps d’une journée pour comprendre le quotidien de gérant.

Après une douzaine d’années passées chez Décathlon et à La Poste, Laurent a rapidement compris que son avenir ne résidait pas derrière un bureau. En 1998, il achète une ancienne ferme de culture de maïs, qu’il rénovera entièrement quelques années plus tard.

Laurent Mercier a créé les écuries de Sobidain, à Nort-sur-Erdre en 2001. (Crédit : Marguerite R.)

Laurent bâti son réseau sur du bouche à oreille, les réseaux sociaux et des sites comme equirodi ou pensions.com, mais aussi grâce ses relations dans le monde des chevaux de courses et d’anciennes connaissances professionnelles. Le mot d’ordre de l’écurie : « Tout le monde se respecte. Nous ne portons pas le même maillot mais avons la même passion. »

Une matinée chargée 

Un mardi d’hiver, le jour se lève sur Nort-sur-Erdre. La température n’excède pas les 10°C. Nous remontons à pied l’entrée, pour accéder aux box de l’écurie principale. Laurent Mercier nous accueille, grand sourire, béret vissé sur le crâne, et manteau chaud, tous deux au nom des écuries de Sobidain. Il nous présente son salarié, Guillaume. Nous passerons une bonne partie de la journée à ses côtés.  

Tous les matins sauf le dimanche, les chevaux sont sortis. (Crédit : Marguerite R.)

Il est 8h30 quand la matinée débute. Avec Guillaume, nous nourrissons d’abord les chevaux au box, avant de monter sur le quad et donnons la ration aux animaux à l’extérieur en vérifiant que tout le monde va bien. Nous rentrons ensuite aux écuries de Sobidain, et sortons les chevaux du box au paddock. Nous retrouvons Laurent, à son bureau, affairé aux tâches administratives : « entre 8h30 et 9h45, j’avance sur la paperasse pendant que Guillaume s’occupe de l’écurie ». Nous montons dans sa voiture et roulons vers l’annexe, les prés de Piaud, pour distribuer les repas des retraités.

De retour aux écuries, il est l’heure de nettoyer les box. Laurent monte sur son chargeur compact, un petit tracteur muni d’une pelle et une pince, dont la largeur permet de rentrer dans le box et ramasser le fumier : « Au-delà du gain de temps, cela nous économise physiquement».

Laurent et Guillaume s’entraident pour entretenir les box. Ici, Laurent enlève le plus gros avec son tracteur. (Crédit : Marguerite R. )

Laurent manie le tracteur, et Guillaume ramène le fumier de fond du box vers l’entrée. Une fois les box vidés, Laurent se dirige vers le round baller de paille d’orge, et dépose les tas à l’entrée du box. Guillaume finit ensuite de répartir la paille dans le box, de distribuer le foin, sans oublier le coup de balai. La matinée prend fin vers 12h30. 

La différence entre la paille d’orge et de blé

Laurent partage son expertise sur la différence entre la paille d’orge et de blé : « Personnellement, je trouve que l’orge absorbe plus l’urine du cheval, qui ne coule donc pas dans les box. Il y a également moins d’odeurs. » La tige de l’orge est cassée par la moissonneuse-batteuse, alors que la paille de blé reste ronde et uniforme, donnant beaucoup de volume en raison de la grosse quantité de vide : « Pour une question de qualité, je préfère travailler avec de la paille d’orge. Par contre, quand tu vides ton box, ça sent un peu plus l’ammoniac, parce que l’urine n’a pas été éjectée du box. » Le prix est quasiment le même, la paille d’orge étant 10 € plus cher à la tonne que la paille de blé.

Un début d’après-midi plus reposant 

Après manger, vers 14h, nous entamons l’après-midi. Comme nous l’explique Laurent, l’hiver, l’après-midi est plus tranquille. Débroussailler, nettoyer, faire les foins, remettre de l’eau dans les bacs, plus divers travaux d’aménagement dans l’écurie…. les journées de printemps et d’été sont plus chargées.

Matins et soir, Guillaume distribue de l’aliment, nommé extrudé. (Crédit : Marguerite R.)

Cet après-midi, Laurent commence par herser le manège couvert, puis dépose un round baller de foin dans un pré avoisinant l’écurie, avant quelques tâches administratives comme passer des commandes ou régler des factures. Laurent nous détaille ensuite ses autres activités : « L’hiver, j’ai un rythme plus tranquille, où je me repose. Je m’occupe de l’administratif, je prépare les bilans de fin d’année… Il m’arrive également de faire du transport équin, trois par mois, sur des moyennes distances ou courtes distances l’hiver. L’été, sauf cas d’urgence ou sur de très courtes distances, je ne propose pas de prestations, car je suis trop occupé par les foins. »

À la tombée de la nuit

17h, la course contre la nuit noire commence. Pendant 1h30, avec Guillaume, nous rentrons les chevaux qui passent la nuit au box, puis nous chevauchons le quad et allons distribuer la nourriture, d’abord pour les équidés au pré, et enfin ceux au box. Pendant le tour des prés, Guillaume vérifie la présence et la bonne forme de tous les chevaux. La fin de journée est signée à 18h30.

Deux fois par jour, Guillaume se charge de vérifier que tous les chevaux vont bien. Les écuries étant très étendues, il s’y rend en quad. (Crédit : Marguerite R.)

 Être gérant, un poste à responsabilités 

La gestion nécessite d’être responsable « de tout ce qui se passe aux écuries, chevaux comme cavaliers, dans le positif, mais surtout dans les moments négatifs sans oublier ton salarié, et la gestion de tes écuries (ne pas la faire couler, les assurances,…) ». Sur le plan du bien-être, il faut également veiller à l’absence des objets qui pourraient nuire à la santé des pensionnaires humains comme des chevaux, des personnes en situation de handicap : « Il faut prêter attention à tout. Au moindre problème ça te retombe dessus. »

La gestion des parcelles reste également une tâche complexe. Il est difficile de trouver des terrains pour le roulement des chevaux : « L’investissement est trop lourd. Malheureusement, je ne peux pas alterner comme il faudrait idéalement le faire tous les six mois. Il ne faut pas oublier qu’il faut payer des frais à la fin du mois… donc j’essaye de faire au mieux… » se désole Laurent, obligé de mettre au moins deux chevaux à l’hectare.  Pour pallier ce problème, il compense au maximum, quitte à vermifuger une fois de plus et en réalisant des coproscopies.

Actuellement, s’ajoute la grande quantité de boue présente dans les paddocks, pouvant créer de légères tensions entre propriétaires et gérants de pension : « Nous mettons des cailloux, faisons des terrassements… Mais à cette période de l’année, les travaux d’aménagements ne sont pas réalisables. »

Trouver un salarié n’est pas une tâche évidente : « Les bons salariés, motivés n’existent plus… Nous sommes avec des animaux, il faut les nourrir tous les jours, week-end et jours fériés compris. Et là en général, ils fuient… Il faut bien comprendre que la vie de famille n’est pas toujours compatible quand tu t’occupes de chevaux. » Néanmoins, il existe quelques exceptions : « J’ai la chance depuis un an, d’avoir trouvé aujourd’hui un salarié génial, Guillaume, toujours disponible, et en lequel les propriétaires ont confiance. ». Pour lui, depuis le COVID, il est très compliqué de dénicher un salarié extraordinaire : « Je pense que les gens ont pris conscience qu’il y avait une vie à côté du travail ». Ainsi, pour attirer les palefreniers : « Il faut essayer de diversifier son activité : ils conduisent le tracteur, nourrissent les chevaux au quad. C’est moins monotone qu’uniquement nourrir à la brouette, faire les box… »

Trouver un salarié motivé, sérieux et de confiance est une tâche complexe. (Crédit : Marguerite R.)

Laurent Mercier aime échanger avec les propriétaires : « Si j’ai créé cette écurie familiale, c’est pour pouvoir être au contact du public, discuter, faire du commerce, sans oublier le contact avec les chevaux. J’aime bien monter à cheval, mais la carrière ou le manège ne m’attirent pas. En revanche, être à l’extérieur, découvrir de nouveaux horizons, sortir en rando pendant 4-5 heures, ça m’éclate ! ».

Du côté des difficultés rencontrées avec les différents propriétaires, certains ne sont jamais satisfaits tandis que d’autres le sont bien heureusement et le font savoir : « Leurs paroles réconfortent un peu, toujours se prendre des réflexions c’est désagréable ! », sourit Laurent. Il ajoute : « J’apprécie la franchise de certains propriétaires. »

Veiller sur la soixantaine de chevaux présent en pension est la principale mission de Laurent et Guillaume. (Crédit : Marguerite R.)

Enfin, Laurent précise que pour être gérant de pension, il faut être diplomate, pédagogue et bien connaître les chevaux en général : « Accepter les remarques et ne pas s’énerver. Si vous avez un fort caractère, autant fermer de suite la pension. ».