Métropole nantaise, début juin 2024, Christophe et ses deux chevaux de trait labourent à la charrue un ancien terrain de football afin de préparer le sol dans le cadre d’un projet de ferme vivrière. Ce scénario, Rob Hopkins aurait pu l’écrire, il y a bientôt 20 ans, quand il a initié le mouvement des villes en transition à Totnes au Royaume-Uni pour anticiper la descente énergétique. Ici pourtant, la remise en cause de nos modes de vie ne semble que balbutier. Rencontre avec un homme travaillant le sol avec ses chevaux, en plein centre d’une aire urbaine.
C’est en voiture, après avoir remplis à nouveau mon réservoir d’essence à la station service, que j’arrive ce jeudi matin ensoleillé sur le parking des Dervallières, un quartier populaire nantais. Ici, dans un parc de sept hectares, la Métropole et les habitants co-construisent un projet de ferme urbaine destiné à nourrir la population environnante. Jardin partagé, plantation de vignes, zones refuges pour les insectes, petite guinguette auto construite, et bientôt un hectare de cultures potagères bio.

Ainsi, dans l’optique d’une mise en culture, Christophe prépare plusieurs parcelles d’environs 1000 m2, au milieu d’une immense zone herbagée, nommée la plaine. Les deux juments, Uti la Cob Normande et Frégate la Comtoise, tirent la charrue à brabant que Christophe a racheté d’occasion pour une bouchée de pain il y a quelques années en France-Comté. En bout de rang, le laboureur pivote le soc de la charrue autour d’un axe à l’aide d’une poignée, tandis que les équidés effectuent leur demi-tour.

La taille du rang, de seulement 30 mètres, ne facilite pas le travail du meneur, multipliant les changements de direction. Christophe, prestataire agricole sur cette opération, débarde du bois en forêt et cultive par ailleurs un hectare en maraîchage où il trace des sillons de 80 mètres de long. La petitesse des parcelles ici, ajoute une difficulté technique au chantier. Les deux chevaux et leur meneur s’en sortent très bien, Christophe montant sur sa charrue pour ajouter du poids à l’attelage et faciliter la pénétration de l’engin dans un sol très dur, tassé certainement par des années de jeux de ballons.

Là où un tracteur aurait forcé insensiblement la surface, et imprimé de ses pneus les alentours des zones cultivées, Christophe et ses animaux ne laisseront comme traces après leurs passages, que les quelques crottins des équidés, que le sol intégrera avidement.

Quand Christophe est venu labourer la première parcelle il y a quelques semaines, de nombreux enfants présents se sont réjouis de la présence des chevaux. Ce jeudi matin, nous sommes seuls sur la plaine, avec comme objectif de passer la charrue pour retourner le sol, puis la herse canadienne à 11 dents pour aplanir la zone. Suivront le semis de l’engrais vert et encore un passage de canadienne pour intégrer les graines au sol.

Samedi toute la journée, le projet de ferme urbaine solidaire à vocation vivrière sera expliqué à la population nantaise, avec la présence de politiques et d’institutionnels et si Christophe sera présent avec son associé Étienne, il voudrait n’avoir plus que des opérations simples à effectuer en public avec les chevaux.

Arrive pour moi le moment de remercier le meneur et son attelage. Marchant vers ma voiture, de retour aux bruits de la ville, aux souffleurs de feuilles nettoyant les allées nantaises, je mesure d’autant plus, en contraste, la valeur de ses instants passés dans un écrin de verdure, avec les chevaux.
