La traction animale au XXI ème siècle : une innovation au service de la transition écologique?

Qu’il s’agisse de travail dans les vignes ou de maraîchage, la traction animale semble connaître un renouveau dans le domaine agricole, remettant au cœur de ces métiers la relation homme-animal en faveur de l’agroécologie. Maurice Miara, doctorant en Sciences de Gestion à l’ENSFEA de Toulouse, s’interroge sur cette nouvelle pratique dans une thèse consacrée à la traction animale à travers une approche agronomique.

La traction animale ? Une pratique folkloriste de doux rêveurs qui souhaitent retourner aux sources du passé ? Ou au contraire une énergie au service de la transition écologique ?

Charrue et épandage de fumier chargé sur un tombereau. Crédit photo DR

C’est l’objet de la thèse de Maurice Maria, ingénieur agronome de formation, spécialisé en environnement, qu’il réalise dans le cadre du projet équidurabilité avec l’INET (institut national des équidés de travail).

« Il s’agit d’évaluer la durabilité des fermes en traction animale », explique le chercheur, qui organise son étude autour de trois axes. « La première étape consiste à caractériser les fermes en traction animale afin de comprendre les motivations des agriculteurs et de dresser un état des lieux.

Évaluer la durabilité des fermes en traction animale

Second temps, il faut déterminer à l’aide d’indicateurs qualitatifs et quantitatifs précis la durabilité de ces fermes, notamment la question de la rentabilité financière. Dernière étape, la phase opérationnelle d’identification des freins et des leviers ».

Actuellement le doctorant vient de terminer sa première phase de recherches au bout d’un an et demi. Il présentera ses résultats lors des journées Sciences et Innovations équines qui se dérouleront au haras de Saumur les 1er et 2 juin.

Crédibiliser la traction animale

De la pré-enquête effectuée sur 1200 titres de presse généraliste, ressort toujours la même vision de la traction animale perçue comme « passéiste » et « au final peu crédible », souligne Maurice Miara. Mener des recherches sur cette pratique, c’est justement rompre avec ce regard, c’est « la revendiquer comme une pratique crédible au service de structures pérennes ».

Pour ce projet, le doctorant a enquêté auprès de 34 fermes dans toute la France avec un constat à la clé : « la traction animale s’inscrit souvent dans un tissu alternatif ».

La traction animale impose un rythme spatio-temporel différent. Crédit photo Arnaud Meillarec

Parmi les motivations de l’installation, Maurice en a recensé trois principales : « Des motivations militantes existentielles à travers la valorisation d’une agriculture paysanne, le rejet du tracteur, la passion des équidés et des motivations techniques ».

L‘équidé est considéré comme un compagnon et pas comme un outil,

Avec le recours à trois races principales de chevaux de trait : Comtois, Percheron, Breton… Bien souvent, les chevaux ne travaillent que sur des petites surfaces, 1 hectare pour des micro-fermes en maraîchage, 5/6 hectares pour les petits domaines viticoles.

Passage de canadien avec deux chevaux de trait. Crédit photo CC

« L’équidé est considéré comme un compagnon et pas comme un outil, il fait partie de la vie de la ferme ou du domaine viticole, avec une prise en considération de son confort et de son bien-être dans le travail »

La traction animale s’inscrit souvent dans un tissu alternatif

Si la traction animale semble attractive tant en maraîchage qu’en viticulture avec de nouveaux adeptes, qu’en est-il vraiment de la rentabilité de ces structures ? « En fait, la traction animale n’est pas responsable de l’arrêt de la ferme. Bien souvent, la question économique est liée au système en général : présence forte d’une agriculture conventionnelle dans certaines régions, difficulté de trouver des débouchés en commercialisation….Pour autant, j’ai rencontré des fermes en traction animale rentables et pérennes, avec un CA de 70000 à 90000 euros par an. »

Des freins à la traction animale ?

Pour autant, il ne s’agit pas de nier les difficultés : « Même si les investissements demeurent moins conséquents que pour un tracteur, ils restent tout de même non négligeables avec l’augmentation des prix des chevaux, qui en quelques années ont doublé voire même triplé ».

La traction animale nécessite des gestes précis. Crédit photo DR

Sans compter les difficultés pour trouver du matériel de traction en bon état, les outils neufs étant onéreux. La transmission du savoir-faire, des gestes de menage et les soucis de génétique des chevaux lourds soumis à des pathologies pouvant conduire à leur retraite à un âge très jeune rendent la tâche compliquée.

Le cheval impose un rythme spatio-temporel différent

De même, en cas de régie externe notamment en viticulture, les prestataires en traction sont les premiers visés : gelées de la vigne, conditions météo compliquées, dans ces cas là, les domaines font appel au tracteur dans un souci d’efficacité et de rentabilité, « le cheval imposant un rythme spatio-temporel différent ».

De plus en plus de collectivités font appel au cheval, comme solution vertueuse au service de l’environnement et de la création de lien social : qu’il s’agisse de collecter les déchets, de nettoyer les plages ou d’assurer le transport scolaire des enfants, témoignant de l’engagement politique en faveur de la traction animale.

Le cheval, solution vertueuse au service de l’environnement

Cette dynamique se traduit également à travers des labels qui promeuvent les initiatives en traction animale : c’est le cas du Réseau Faire à Cheval qui œuvre sur les 5 départements de la Bretagne et de France Energie Animale, qui promeut la réussite de l’énergie animale en France et les diverses initiatives dans ce domaine.