En France, selon l’Institut Français du Cheval et de l’Équitation (l’IFCE), il existe 35000 élevages. A Nort-sur-Erdre, à 30 km au nord de Nantes, se trouve l’élevage de la Rigole. L’année 2023 leur promet sept poulains, chiffre en constante hausse. Rencontre avec Ninon Gautier, éleveuse depuis 2015, qui a comme projet d’en faire son unique métier d’ici quelques années.
Après l’obtention de son bac Sciences et Technologies de l’Agronomie et du Vivant (STAV), option équitation, Ninon s’est ensuite orientée vers un BTSA production animale, option élevage du cheval. C’est lors de plusieurs stages en élevages qu’elle a appris la majeure partie de son travail. « L’expérience, outre le BTS, c’est beaucoup sur le tas. On évolue et on se remet sans cesse en question aux côtés des chevaux ».

Terre et Sabots : Quels sont les avantages du métier ?
Ninon Gautier : On travaille dehors, on est au contact des animaux, et on ne fait jamais la même chose.
TES : Et les inconvénients ?
NG : Nous travaillons dehors donc selon les conditions météorologiques, c’est plus ou moins agréable. Nous travaillons aussi aux côtés des animaux, donc il peut y avoir de grosses déceptions ou émotions qu’il faut gérer, comme des maladies ou des décès.
TES : Seuls 15% des éleveurs pratiquent cette seule activité. Sur les 85% restant, 40% d’entre eux exercent un autre métier, ni agricole, ni lié aux équidés. Travaillez-vous à côté ?
NG : Je travaille en intérim pour différentes missions, essentiellement de la restauration d’entreprise, sur des créneaux entre 10 et 15 heures. Ce qui me laisse du temps pour les chevaux avant et après le travail.
TES : Comment organisez-vous votre quotidien en temps qu’éleveuse ?
NG : Je dois jongler entre mon métier d’éleveuse, équin et canin, de jeune maman et mon autre travail à côté. J’emmène mes enfants au car, je m’occupe des chevaux, je vais à mon autre travail, je reviens m’occuper des chevaux, je récupère mes enfants, pour enfin rentrer chez moi. Et en période de reproduction, mon mari et moi, retournons voir les chevaux pour les saillies et les poulinages.
TES : Un métier-passion ?
NG : Dès l’instant où on n’arrive pas à se tirer un salaire à plein temps, il faut avoir la passion pour continuer ! La vente des poulains me permet d’entretenir les autres chevaux, payer le foin, les vermifuges, les vaccins, le maréchal… Il faut vraiment aimer être au quotidien avec les chevaux !
TES : Quelle race en particulier élevez-vous ?
NG : J’ai des Origines Constatées (OC), qui vont être des mélanges. Je fonctionne d’abord sur un mental avant une race précise. J’élève aussi, en pure race, des chevaux Curly, qui ont la particularité d’être hypoallergéniques. Ils se démarquent aussi par leurs poils et leurs crins bouclés.

Il faut vraiment aimer être au quotidien avec les chevaux
TES : Combien de juments possédez-vous en âge de se reproduire ?
NG : Oui, actuellement, j’ai six juments en âge de reproduire. D’ici deux-trois ans, j’en aurai huit en tout. Des professionnels ou des particuliers peuvent aussi me prêter leur jument pour la faire reproduire avec mon étalon, en « saillie extérieure ».
Il peut exister des exceptions, mais la plupart du temps, oui, c’est bien la femelle qui vient au mâle.
TES : Recevez-vous des aides de l’état pour votre élevage ?
NG : Je suis ce que l’on appelle « cotisante solidaire ». Je suis agricultrice à titre secondaire. Je dois payer une cotisation tous les ans, sans d’aide de l’état.

TES : Pouvez-vous nous rappeler à quel âge la jument est prête à pouliner (mettre-bas) ? Combien de temps dure la gestation ?
NG : C’est un grand débat ! Certains décident de la faire reproduire dès deux ans, âge à laquelle elle a eu au moins une fois ses chaleurs. Il est préférable de faire reproduire la jument entre ses trois et cinq ans, quelques années avant la fin de sa croissance. En moyenne, la jument porte son poulain 11 mois.
TES : Comment choisissez-vous les mariages des saillies ?
NG : Sur les saillies extérieures, les clients choisissent l’étalon, évaluent son mental, sa morphologie, son prix et sa localisation. Je peux refuser une jument si je l’estime pas « en état », pas à jour de ses vaccins et vermifuges, ou encore dangereuse soit pour mon étalon soit pour nous.
TES: Et pour les saillies intérieures ?
NG : Je mets l’étalon et les juments dans un pré divisé en deux, séparés par une clôture. Lorsque la jument montre des signes, je passe l’étalon de l’autre côté de la clôture, avec les juments, pour une saillie en monte en liberté. (Technique de reproduction naturelle. Le cheval et la jument s’accouplent sans aucune intervention de l’homme, mais pas sans surveillance, ndlr)
J’évite de mélanger les troupeaux entre mes juments et les juments extérieurs, pour des raisons sanitaires et des raisons de stabilité de mon troupeaux, pour que la hiérarchie ne bouge pas trop.
TES : Combien coute la saillie avec votre étalon Curly ?
NG : 650€. La moitié se paye à la réservation et l’autre moitié lorsque l’on sait que la jument est pleine, 45 jours après la saillie. Tout est fait sous contrat. Le prix dépend de l’étalon, selon plusieurs facteurs aussi bien mentaux que physiques. Si c’est un pure race, le prix va légèrement augmenter.
Il ne faut pas également oublier la main d’œuvre, car cela représente du temps d’observer, et de faire des saillies en main.
TES : Quels sont les signes qui montrent que la jument est prête à pouliner ?
NG : Les muscles du dos et de la croupe vont se détendre, la vulve va se relâcher, les mamelles vont se former et commencer à se remplir de lait. Le comportement peut également changer. Le PH du lait, autour de 7 habituellement, va, 24 à 48 heures avant la mise-bas, descendre aux alentours de 6-6,3. Nous surveillons aussi le calcium. Nous regardons ces deux paramètres à l’aide de bandelettes pour aquariums.

TES : À quel âge les poulains sont-ils prêts à être sevrés ?
NG : Chaque éleveur fait comme il veut. Normalement, un poulain peut être sevré dès ses six mois. J’estime que c’est un peu tôt. Je les sèvre vers leurs huit mois, en séparant progressivement juments et poulains. D’abord, une clôture les sépare. Ils peuvent se voir et se sentir, mais les poulains ne peuvent plus téter.
Après 5-10 jours, j’enlève les mamans, et je les mets dans un pré beaucoup plus loin. J’ai remarqué qu’en général, c’est comme cela que ça se passe le mieux, aussi bien au niveau du stress pour le poulain que pour la jument sur son tarissement.
TES : A quel prix vendez-vous vos poulains ?
NG : Dans le prix total, il faut compter les dépenses pour la jument, pour l’étalon et pour le poulain une fois qu’il est né. Il faut ajouter à cela la main d’œuvre et le temps pour l’administratif, comme par exemple déclarer le poulain à l’IFCE, l’amortissement de la structure et du cheptel. Chez moi, les poulains sont à 4200€ TTC pour les particuliers.
TES : Comment choisissez-vous le nom des poulains ?
NG : La première lettre est choisie en fonction de l’année. En 2023 ce sera les « N ». J’essaie de sélectionner des prénoms uniques, pour chaque poulain, selon sa morphologie, son caractère, des constellations, des superstitions ou encore un lien avec ses parents. Par exemple, pour Mennig : dès sa naissance il était vraiment déjà très bouclé. Nous l’avons donc appelé Mennig , petit mouton en breton. Pour Meïko, petit bourgeon, c’est qu’il a mis du temps à s’ouvrir.
TES : Sentimentalement, n’est-ce pas trop complexe de laisser partir les poulains, près de 11 mois à les avoir vus évoluer ?
NG : Je me blinde psychologiquement ! Je mets en vente les poulains en général dès la première semaine après leur naissance. Je sais ensuite qui partira, et cela me rassure de savoir qu’ils vont dans une bonne famille, que je choisie. Alors oui… Parfois on peut se tromper…
Infos pratiques:
Elevage de la Rigole, La Belletière, 44390 Nort-sur-Erdre
0623591846
chevauxdelarigole@gmail.com