A l’initiative du Réseau pour les Alternatives Forestières, une vingtaine de personnes a assisté vendredi 24 mars 2023 au débardage en traction animale de troncs d’arbres préalablement abattus à Saint Nicolas de Redon en Loire-Atlantique le long du canal de Nantes à Brest. L’occasion pour les meneurs des chevaux de traits d’expliquer les spécificités de leur métier et de leur démarche, mais aussi pour le gestionnaire du site d’aborder la gestion du patrimoine arboré départemental. Ambiance.
Huit heures et demi du matin, en ce début de printemps, aucune tronçonneuse ne perturbe la sérénité du chemin de halage. Seuls les oiseaux égaient de leur pépiement le boisement longeant le canal. La vingtaine d’arbres à sortir des bois, coupés et ébranchés au mois de décembre, attend au sol l’arrivée des chevaux.
Au compte goutte, les participants à la rencontre se regroupent, chacun scrutant la berge à la recherche d’une silhouette équine. Martin, un des organisateurs, explique la démarche de l’événement : découvrir physiquement le débardage et rencontrer deux débardeurs du secteur, Nicolas Couëdel et Laurent Legal, respectivement du Gâvre, en Loire-Atlantique et de Férel dans le Morbihan.
Deux chevaux ardennais fusionnels
Bientôt, le camion tractant un van se profile et les acteurs du jour entrent en scène. Nicolas et Laurent nous saluent et présentent Stella, la jument, et Sim, le hongre, deux Ardennais fusionnels de 17 ans, en binôme depuis l’âge de 18 mois, habitués à travailler en paire.

Avant la pose du harnachement, Nicolas Couëdel considère la pansage comme un rituel, un moment privilégié entre lui et ses animaux avec lesquels il travaille depuis 6 ans. Le débardage, ou traction en espace naturel forestier, constitue un peu plus de la moitié de son activité professionnelle, en temps complet de septembre à mi avril.
Il cultive également pommes de terre, betteraves, oignons ou courges ainsi que des céréales tels que le triticale – un croisement de blé et de seigle adapté au terroir – ou le blé noir que sa femme transforme en crêpe et galette sur leur ferme.
Ancien ouvrier maraîcher, Nicolas Couëdel se forme en tant qu’utilisateur de chevaux attelés en 2009 à Montmorillon dans la Vienne. Il mène ses chevaux aux champs ou dans les espaces naturels sans œillères. Pour lui, c’est une question de confiance. « Je suis content qu’ils voient des choses que je ne vois pas », précise-t-il.

Laurent Legal, son associé sur les chantiers de débardage, le rejoint pour harnacher les deux Ardennais : colliers, sous-ventrières, traits, palonniers… les deux hommes positionnent méthodiquement le matériel de traction.
Je suis content qu’ils voient des choses que je ne vois pas
L’ensemble du groupe se rassemble pour une explication du déroulement de la matinée. L’opération du jour se veut pédagogique autant qu’opérationnelle. Nicolas et Laurent échangent sur leur métier et détaillent la suite. Chacun des meneurs dirigera un cheval : l’un sortira les troncs du boisement, l’autre les déplacera sur le chemin jusqu’au camion. Charge aux humains de monter les grumes sur la remorque charpentière.

Après ce temps d’échange, les chevaux et le groupe rejoignent le chantier. Le boisement se situe en surplomb de l’ancienne voie de halage, les grumes descendront ainsi sur une courte distance pour rejoindre le chemin.

La souplesse du sol sous les arbres facilite la glisse des troncs. Afin de limiter les frottements, et ainsi moins fatiguer le cheval et minimiser l’impact sur les sous-bois, le cheval tire le tronc attaché par le bas pour respecter le sens de la pousse.
Une chaîne avec un crochet entoure la grume et se fixe ensuite au palonnier dans une pièce métallique ressemblant à un sapin. Le débusquage – la sortie du bois -, correctement effectué, reste relativement doux pour le sol et, selon certaines études, favorise même le renouvellement forestier en intégrant faînes, glands et autres graines directement à la terre.

Le soin apporté au façonnage, consistant à lisser le tronc lors de l’ébranchement, mais aussi à constituer un chanfrein à l’extrémité avant afin d’éviter que les arêtes saillantes ne pénètrent le sol, participe à la pertinence de l’opération de débusquage en traction animale. L’objectif : limiter l’impact sur l’environnement forestier.

Camille Touzé, spécialiste des espaces naturels sensibles, occupe le poste de technicien environnement, milieu naturel et voie navigable au sein de la délégation de Chateaubriand du département de Loire-Atlantique. Une de ses missions consiste en la gestion d’une partie du patrimoine arboré du département breton. Il explique que l’abattage des chênes dégagés aujourd’hui participe à la sécurisation de la berge du canal de Nantes à Brest ainsi qu’au renouvellement et au développement du boisement.

Peu à peu, sans aucun bruit de moteur, dans la sérénité des berges du canal de Nantes à Brest, les chevaux s’activant, les troncs d’arbres quittent le boisement, s’acheminant vers la remorque qui les conduira à leur destin de bois de charpente. Les humains discutent, échangent, s’organisent pour charger la remorque. Leur tour arrive de participer à l’effort. Pour les deux équidés, la matinée s’achève.
L’association naturelle des arbres, des humains et des chevaux
Bientôt, après le passage de la scierie mobile et le séchage, les charpentiers utiliseront ce bois qui, peut-être, soutiendra le toit d’une maison. Lors des tempêtes hivernales le vent sollicitera les fibres de ces poutres qui conserveront en elles le souvenir de leur croissance sur les berges du canal de Nantes à Brest, à Saint Nicolas de Redon. Et, qui sait, la mémoire aussi de cette matinée conviviale : l’association naturelle des arbres, des humains et des chevaux.
Le réseau pour les alternatives forestières : https://www.alternativesforestieres.org/
SARL de La Coulée – Nicolas Couëdel et Estelle Mylle sur le site de Faire à cheval, réseau armoricain des équidés utilitaires : https://www.reseaufaireacheval.fr/pro-asso/couedel