Le lymphoedème progressif des membres (LCP) connu sous le nom plus familier de « pattes à jus » touche quasiment toutes les races de chevaux de trait plus particulièrement les Traits Belges, les Ardennais et les Comtois, menaçant dès lors leur avenir. Explications sur cette maladie qui génère démangeaisons et inconfort chez le cheval avec Jean-Philippe Lejeune, vétérinaire et directeur du centre européen du cheval à Mont-le-Soie en Belgique, présent dans le cadre des Journées Sciences et Innovations à Saumur les 1er et 2 juin 2023.
Qu’entend-on par lymphoedème progressif des membres ? Est-ce la même maladie que la gale chorioptique ?
Il s’agit d’un défaut constitutionnel d’élasticité de la peau et des vaisseaux lymphatiques. La peau fait des plis dans les bas des membres, un peu comme des chaussettes trop grandes qui tomberaient, ce qui conduit à un épaississement du bas des membres.
Tendre vers la direction des croisements
La difficulté de cette maladie, c’est qu’elle n’apparaît que vers l’âge de 2-3 ans avec une aggravation par la suite.

La gale chorioptique en fait partie. Le parasite nommé choriopte se sent bien dans les plis, il est protégé et va contaminer les membres.
Quels sont les symptômes ?
Le choriopte va provoquer des démangeaisons intenses et par conséquent des grattages parfois violents. Le cheval tape alors le sol avec le postérieur, il se frotte sur les souches avec pour conséquences une abrasion de la peau et des lésions ouvertes, qui se compliquent avec la présence de bactéries, de champignons, d’asticots. Avec pour résultats, l’apparition d’odeurs, du pus, d’infections et la formation de nodules.

La diminution du retour du liquide lymphatique entraîne des oedèmes, c’est-à-dire le gonflement des membres, source de manque de souplesse. Cette maladie entraîne un réel inconfort pour le cheval. Si en soi, le lymphoedème progressif n’est pas lié au milieu, ce sont toujours des facteurs externes qui viennent l’aggraver.
Quelles sont les causes ?
Ce problème de base est transmissible de génération en génération. Par conséquent, il faut diriger les croisements pour améliorer cette maladie. En Belgique, une classification permet de sélectionner les étalons à la reproduction.
Trouver un marqueur précoce de cette maladie
Elle se compose de 5 grades : AA (parfait, aucun pli, aucune lésion, la peau est souple et élastique, A (léger, plis de peau situés dans le paturon, restant sous le boulet), B( Modéré, plis de peau y compris au niveau du boulet), C (Sévère, plis de peau au niveau du canon) et D (Extrême).
Qu’entendez-vous par la direction des croisements ?
Dans les cas légers et modérés (jusqu’à C), la reproduction est assurée. Seuls les cas extrêmes sont écartés. Si un étalon est mal classé (B ou C), il faut privilégier une jument saine.

Si une jument est « sale », il faut alors se tourner vers un étalon de type AA ou A. C’est ce qu’on nomme la direction des croisements.
Quels sont les traitements ? Peut-on guérir du lymphoedème ?
Il s’avère compliqué de faire marche arrière, une fois l’animal atteint. On ne peut que couper le cercle vicieux en tondant les fanons afin d’assécher les lésions. Le recours aux antibiotiques, aux anti-parasitaires, à des crèmes anti-fongiques locales est alors préconisé, de même que l’utilisation de pédiluves pour que le produit pénètre bien dans le creux des plis.

En Belgique, des Horse Wash se déplacent avec leur travail pour effectuer les soins à domicile. Il faut bien comprendre qu’il s’agit de soins quotidiens fastidieux et que bien souvent les chevaux finissent euthanasiés vers l’âge de 10-11 ans car les éleveurs manquent de temps pour s’en occuper.
Existe t-il des opérations ?
Si la personne possède le budget nécessaire, il existe une opération surnommée carpaccio qui consiste à couper des pans entiers cutanés pour relisser la peau. Mais cela nécessite aussi des soins quotidiens par la suite.
Le lymphoedème est-il responsable de l’arthrose précoce des chevaux de trait ?
Non, le lymphoedème n’entraîne pas de déformation osseuse.
Quels sont les chevaux les plus touchés ?
Nos études portent sur les Traits Belges et les traits Ardennais les plus touchés. Mais le lymphoedème concerne également les autres races de traits notamment les Irish Cob, les Comtois… Il semble que seul le Percheron échappe à cette maladie.
Couper le cercle vicieux en tondant les fanons
Actuellement, nous prélevons des échantillons de crins pour déterminer si nous pouvons trouver un marqueur précoce de cette maladie.
Cela éviterait d’envoyer des poulains viables à la boucherie. Mais il y a encore de nombreuses pistes de recherche à explorer et des mentalités d’éleveurs à faire évoluer concernant la rusticité du cheval de trait.
Retrouvez la présentation de Jean-Philippe Lejeune dans la cadre des Journées Sciences et Innovations à Saumur sur le site de l’IFCE.