Marylise Pompignac : « Le comportementaliste est un clinicien »

Docteure en éthologie, comportementaliste et masseuse équin, chargée d’enseignement éthologie et neurosciences à l’UCO d’Angers, Marylise Pompignac témoigne d’un parcours riche auprès des animaux et notamment des chevaux. Elle exerce dans le domaine des courses en éthologie et intervient en Pays de la Loire auprès des particuliers et professionnels.

Pouvez-vous parler de votre parcours ?

Mon parcours fut très long car je désirais devenir vétérinaire pour traduire en mots à l’humain ce que son animal exprimait en maux. J’ignorais que le métier de comportementaliste existait. Aussi, j’étais fan du Dr Dominique Giniaux, précurseur de l’ostéopathie animale. Le toucher a toujours eu, pour moi, une place importante dans le processus thérapeutique.

Le toucher joue un rôle dans le processus thérapeutique. Crédit photo DR

J’ai donc débuté en sociologie pour comprendre l’influence de la culture sur les comportements, puis en psychologie pour le fonctionnement neurophysiologique, en psychanalyse et c’est grâce aux enseignements du Pr Amar en pédopsychiatrie au CHU de Nantes que j’ai pu commencer des études en éthologie.

Le toucher a toujours eu, pour moi, une place importante dans le processus thérapeutique.

En effet, la psychanalyse anglaise du milieu XX ème siècle intégrait l’éthologie en clinique pédiatrique. Ce sont donc les enseignements d’Esther Bick, élève de John Bowlby, qui m’ont permis de travailler sur les animaux dont les humains.

Marylise Pompignac est comportementaliste, docteure en éthologie. Crédit photo DR

D’autres formations ont complété mon parcours, entre autres en médecine traditionnelle chinoise. Aujourd’hui, je suis docteure en éthologie. Ma recherche porte sur l’intérêt du massage énergétique dans le motivation du cheval au travail.

Vous êtes docteure en éthologie. En quoi consiste l’éthologie ?

L’éthologie est une science étudiant les comportements d’une espèce. Le terme est très général car les angles d’approche demeurent très variés allant de la sociologie animale, l’écologie à la génétique en passant par la psychobiologie et la neurologie. L’éthologue est un chercheur.

Par ailleurs, vous êtes comportementaliste ? Concrètement, en quoi consiste également ce métier ?

Le comportementaliste, lui, est un « clinicien », c’est-à-dire qu’il utilise les méthodes de l’éthologie pour les appliquer à un individu ou un petit groupe d’individus dans l’objectif de leur bien-être.

Un exemple de consultation comportementale peut être une difficulté relationnelle entre le cheval et son humain, se manifestant par un comportement d’agression.

Marylise Pompignac encourage la pratique régulière du massage. Crédit photo DR

Après une consultation vétérinaire, le comportementaliste va relever dans l’environnement du cheval tous les éléments favorables à son bien-être et accompagner le propriétaire à améliorer certains axes délaissés. L’objectif est de trouver une ou plusieurs solutions.

Le comportementaliste collabore alors avec le vétérinaire, l’ostéopathe, le maréchal ferrant et tous les professionnels

Pour ma part, j’inclus l’énergétique dans mes séances afin de réguler la charge émotionnelle du binôme humain-cheval. Et j’encourage le propriétaire à masser régulièrement son animal.

Pour quels motifs les personnes font-elles appel à vous notamment dans le milieu équin ?

Les motifs de consultation vont porter essentiellement sur :

  • les comportements stéréotypés (Tic)
  • la démotivation du cheval sous la selle
  • la convalescence suite à un accident ou une maladie
  • un choc émotionnel
  • l’amélioration de la relation humain-cheval

A quel moment doit-on faire appel à un comportementaliste ?

Le comportementaliste peut être sollicité dès le projet d’adoption afin d’optimiser l’accueil du cheval. Souvent, les particuliers comme les professionnels attendent de ne plus avoir de solutions pour consulter.

Les comportements les plus fréquemment rencontrés concernent le stress et la douleur chez le cheval, qui peuvent prendre la forme d’un comportement de défense chez l’animal.

Peut-on traiter toutes les problématiques ? Prenons l’exemple d’une jument qui a peur des vaches, existe-t-il des solutions ? Ou bien gardera-t-elle cette peur toute sa vie et son réflexe de fuite ?

Toutes les problématiques peuvent être prises en charge mais dans le cadre d’une interdisciplinarité de spécialistes, tout comme pour l’humain. En effet, certaines pathologies du comportement peuvent relever de la médecine. Le comportementaliste collabore alors avec le vétérinaire, l’ostéopathe, le maréchal ferrant et tous les professionnels suivant le patient.

Le comportement est un langage

Concernant le comportement de peur, chaque cas est unique. Mais plus le trouble persiste et plus la rééducation sera longue. Un reconditionnement est attendu, afin de modifier l’interprétation que se fait l’animal de l’objet de sa peur.

Ma recherche porte sur l’intérêt du massage énergétique dans le motivation du cheval au travail

Cela peut être immédiat pour certains et aléatoire pour d’autres, tout dépend de l’histoire de l’individu. Enfin, parfois, la peur, comme tout autre symptôme, peut exprimer autre chose qu’une simple réaction de fuite. Le comportement est un langage.

Plus précisément, qu’est-ce-qui vous plaît dans vos pratiques avec les chevaux ?

Adolescente déjà, j’ai pris en charge une jument en dépression qui était très agressive jusqu’à casser les murs de son box et charger les humains. Etre-là, Etre-avec, lui consacrer du temps rien que pour elle, a permis d’enrayer le processus dépressif.

La présence comme outil thérapeutique

Pas de pansage qui conditionne au travail qui va suivre, mais être avec elle simplement, POUR elle, en toute conscience et pleinement. C’est ce qui me plait dans ce travail : le calme, l’être-avec sans les mots, juste être là.

Grâce au séminaire d’observation du bébé selon la méthode d’Esther Bick en pédopsychiatrie, nous avons appris et expérimenté la Présence comme outil thérapeutique. Pédopsychiatrie/Pédopsychanalyse et éthologie animale sont très liées.

Le calme, l’être-avec sans les mots, juste être là, des valeurs essentielles pour Marylise. Crédit photo Adobestock

Quelles sont les qualités nécessaires pour exercer l’éthologie et travailler auprès des chevaux ?

Comme pour devenir psychologue, il est à mon sens, fondamental d’avoir réalisé sa propre psychanalyse afin d’être en mesure de rester neutre dans l’observation des histoires de vie, et d’éviter les projections et transferts.

Les comportements les plus fréquemment rencontrés concernent le stress et la douleur chez le cheval. Crédit photo DR

Se former à l’observation descriptive constitue également un apprentissage qui demande du temps. Remplir des tableaux reste trop réducteur, de nombreux détails échappent à l’observateur. Le séminaire d’Esther Bick forme à la « chirurgie de l’observation » !

Avec les chevaux, impossible de tricher. Un travail personnel s’avère alors nécessaire pour être serein en toute circonstance et se trouver en mesure de les accueillir et les rassurer même lorsque leur comportement devient menaçant.

Masser son cheval lui procure du bien-être. Crédit photo Marylise Pompignac

Il s’agit bien souvent uniquement, de l’expression de leurs souffrances physiques comme psychiques. Il faut alors être bien équilibré soi-même, bien ancré, stable et posé. Et cette qualité ne s’apprend pas dans les livres.

Constatez-vous une augmentation de la prise en considération du milieu équin de manière globale et dans l’univers de la compétition ?

Vivant dans le milieu du cheval depuis plusieurs dizaines d’années, c’est un plaisir immense que de constater une amélioration du bien-être du cheval. Le chemin est encore très long, mais de nombreux propriétaires se soucient maintenant du bien-être de leur cheval. Redéfinir le bien-être me semble d’ailleurs nécessaire.

Avec les chevaux, impossible de tricher

La bientraitance est la manière dont l’humain prend en charge l’animal dont l’humain. Alors que le bien-être est la manière dont l’animal perçoit et ressent son environnement. Ainsi ce qui convient à l’un, peut ne pas convenir à un autre.

Passer du temps avec son cheval, uniquement pour lui, un moment essentiel. Crédit photo Marylise Pompignac

Exerçant essentiellement dans le domaine des courses en éthologie et massages équins, les entraineurs commencent à se soucier vraiment du bien-être émotionnel de leurs athlètes. Ils savent désormais que le bien-être s’associe à moins de blessures et plus de motivation dans le travail.

Un message ou des messages aux propriétaires ? 

Passez du temps avec votre cheval mais POUR lui. Offrez lui trente minutes par semaine rien que pour être à ses côtés sans rien lui demander. Juste être ensemble.

Et regardez à nouveau le film « Danse avec lui » : « Qu’est-ce que vous donnez, si vous ne donnez pas de votre temps ? »