Orthoprothésiste de formation, spécialisé en pédiatrie, Antoine Maitre a exercé ce métier pendant une dizaine d’années sur des patients humains, intervenant régulièrement auprès de L’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris. Une expérience qui l’a conduit à traiter des pathologies et atteintes locomotrices diverses à l’instar des scolioses, des paralysies, des myopathies, des pieds bots…. Sensible à la cause animale, engagé en faveur de l’environnement, il décide alors de créer sa structure Orthopia-Prothèses, un cabinet d’orthopédie spécialisé en appareillage pour animaux.
Des prothèses pour chevaux afin d’améliorer leurs conditions de vie et leur offrir malgré tout une seconde chance, permettant ainsi d’éviter l’euthanasie, encore trop généralisée ? L’idée peut paraître surprenante.
Améliorer les conditions et la qualité de vie
Et pourtant, Antoine Maitre réalise des prothèses et attelles sur mesure pour les équidés parmi lesquels shetlands et une jument de trait de 850 kg et de manière générale les animaux, aussi bien les chats, les chiens, les poules, les oies, les cigognes que les chèvres.
« L’éligibilité d’un patient à un appareillage ne dépend pas de son espèce ou de sa taille, mais plutôt des caractéristiques du moignon s’il s’agit d’une amputation », explique le jeune homme.

C’est d’ailleurs sur une chèvre de compagnie amputée qu’il conçoit sa première prothèse. Une première patiente à trois pattes « rencontrée en 2016 au cours d’un voyage en Irlande, dans une auberge perdue au fin fond du Connemara ». « J’attendais cette occasion avec impatience », reconnaît le jeune homme, même s’il avoue que « sur cette première prothèse, il s’est senti rempli de doutes ».
Travailler avec du vivant relève d’un challenge
Un métier complexe qui nécessite un travail important en amont pour déterminer l’appareil adapté en fonction de la pathologie, de l’environnement, le terrain et des besoins de l’animal, en collaboration avec les propriétaires mais aussi les professionnels de santé.

« Lorsqu’un particulier m’appelle pour une prothèse ou une attelle, je demande toujours si un vétérinaire a effectué une consultation. La mise au point d’un appareil ne peut s’établir que sur la base d’une équipe pluridisciplinaire avec les maréchaux, les ostéopathes, les vétérinaires ».
Une synergie entre familles et professionnels de santé
Fort de son expérience dans la pédiatrie, Antoine calque son protocole et sa méthodologie aux animaux. « Il n’existe en effet pas de cadre légal dans l’exercice du métier d’orthoprothésiste pour les animaux, d’où la nécessité maintenir des échanges constructifs avec les spécialistes. Je soumets donc toujours au vétérinaire une proposition d’appareillage. Il faut se mettre d’accord sur l’objectif recherché : soulager, apporter du confort, protéger… », insiste ce dernier.
Instaurer un climat de confiance
Antoine Maitre intervient aussi bien dans des refuges qu’auprès des particuliers, se déplaçant dans toute la France. « Les propriétaires se rendent également au sein de mon atelier, j’admire l’énergie déployée par les équipes et les familles pour soulager l’animal. C’est magnifique ».

Face à un tel dévouement, l’orthoprothésiste se doit d’être à la hauteur : « pour effectuer un bon moulage, il faut instaurer un climat de confiance. Les familles rassurent l’animal le temps du moulage qui peut s’avérer long et qui requiert de la patience »
Une remise en question permanente
Dans son atelier parisien parfaitement optimisé, Antoine dispose de toutes les machines nécessaires pour travailler les matériaux et élaborer ses appareils. « J’utilise les mêmes matériaux que chez les humains : fibre de carbone, verre, résine, matières synthétiques, plastiques, silicone, mousses orthopédiques… Travailler avec du vivant relève d’un challenge à chaque fois, avec beaucoup de questionnements : L’équidé va t-il accepter, tolérer l’appareil ? L’appareil va t-il remplir ses objectifs ? »
Rien ne se fait dans la facilité
Humilité, remise en question, doutes font partie du quotidien d’Antoine. Sans compter les heures passées à concevoir l’appareil. « Il faut compter 15 heures pour une attelle basique simple, J’ai mis 50 heures pour élaborer une attelle articulée à destination d’un Baudet du Poitou »
Ce qui l’anime et le motive ? « Le contact avec les animaux, le plaisir d’apporter des réponses, même si au final, rien ne se fait dans la facilité car j’imagine toujours le pire. Chaque cas abordé me rappelle un moment de stress, car je m’implique dans chaque conception d’appareil de tout mon coeur ».

L’essayage demeure un moment crucial, car il permet à Antoine d’ajuster la prothèse en fonction de la réaction et des éventuelles gênes. Hipposandales, attelle d’immobilisation sur un Percheron, prothèse sur une ponette, autant de possibilités pour améliorer le quotidien des équidés et leur apporter du bien-être.

Ce n’est pas Isis, la petite ponette amputée présentant un moignon court qui dira le contraire. « Elle a mis 3 minutes à s’habituer à la prothèse et court très rapidement », s’en émeut Antoine. Sans doute la plus belle récompense pour celui qui consacre sa vie à embellir celle des animaux.